Quand les publicitaires de Tunisie Télécom flirtent avec le racisme…
Vous avez sans doute aperçu des affiches de la campagne de Tunisie Télécom pour un forfait exceptionnel pour le téléphone fixe. Passons sur le mauvais goût dont témoigne le slogan de cette campagne : « Maâ fixi fixi elfixe ». Mauvais goût qui se joint sur certaines affiches à une imagerie franchement esclavagiste. Sur l’une de ces affiches, on voit une dame au téléphone, vêtue d’une robe qui ressemble à une toge romaine, se déplaçant dans un intérieur luxueux. Le téléphone dont elle se sert siège confortablement sur un coussin tenu par un serviteur noir (précisons que l’acteur n’est pas noir mais qu’il est maquillé, ce qui confère une certaine sophistication à la forme du message). Les publicitaires avaient manifestement l’intention d’exhiber les signes de richesse d’une grande bourgeoisie qui ne crache pas sur les offres de Tunisie Télécom. Et parmi ces signes de richesse, il y a ce serviteur noir qui renvoie historiquement – on ne peut s’empêcher d’y penser vu les costumes des protagonistes – à l’esclavage.
Le réinvestissement de cette imagerie n’est malheureusement pas un fait isolé. Quelques restaurants chics de la capitale ont tenu à ne recruter, il y a quelques années, que des serveurs noirs et des familles de la grande bourgeoisie tunisoise ont eu recours également à des serveurs noirs dans leurs cérémonies de mariage, ressuscitant ainsi une image du passé pour en faire un emblème de distinction sociale et faisant fi de la sorte de la mémoire meurtrie d’une communauté. Un tel réinvestissement est d’autant plus dangereux qu’il n’est quasiment pas critiqué ; rares sont les personnes qui s’en offusquent. Confiner le noir dans un rôle faisant écho au statut historique d’esclave ne choque pas grand monde. Autant dire qu’il s’agit là d’un racisme qui s’exprime en toute bonne conscience.
L’affiche de Tunisie Télécom aurait fait scandale dans un pays où l’esprit démocratique d’une société civile vigilante se manifesterait entre autres par l’élaboration d’un discours sur le racisme et par une déconstruction des imageries séculaires de la marginalisation raciale, ethnique, religieuse et autres. Nous avons du pain sur la planche, il faut l’avouer !
Cette affiche conçue par les publicitaires d’une entreprise semi-publique est une honte pour un pays qui veut donner l’impression de se dégager de son archaïsme.
Tunisie Télécom doit absolument présenter des excuses pour cette insulte à la communauté noire du pays et aux ressortissants africains qui vivent parmi nous. Mon exigence relève sans doute de l’utopie. Car il faudra beaucoup de temps pour convaincre les publicitaires et l’entreprise que leur message est tout simplement raciste. Ils refuseront de l’admettre et je ne douterai pas de la bonne foi qui présidera à leur incompréhension. Une telle attitude n’est absolument pas étonnante dans un pays où le racisme relève, comme tant d’autres choses, de l’impensé. En attendant ces excuses, nous exhortons la société civile et, à sa tête, la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme à réagir.
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